Par un beau dimanche ensoleillé d’été, je fais des courses avec ma fille de onze ans. Nous rions, chantons et avons beaucoup de plaisir à être ensemble. Malgré les recommandations du manufacturier automobile, Anabelle s’assoit sur le siège avant, près de moi. Un dernier arrêt consiste à se rendre au supermarché. Je stationne mon auto près d’une grosse camionnette noire.

De retour, je marche rapidement avec mes sacs d’épicerie et il y a un bon vent. J’ouvre la portière derrière celle du siège du conducteur pour y placer mes sacs et je referme la porte. Pendant ce temps, Anabelle me fait face et je la regarde. Au même moment, un homme arrive derrière moi entre mon auto et la camionnette stationnée. Il m’interpelle assez fortement en disant : « Madame ». Je sursaute et me prends le cœur à deux mains. Il m’a fait peur. Il s’approche de moi en grognant que j’avais « bossé sa camionnette ». Je me sens menacée. Je lui réponds aussitôt : « non », comme une enfant prise en faute.

Il s’avance près de moi d’un pas décidé. Je recule et je suis de plus en plus bouleversée. Il ouvre la portière arrière de mon auto blanche pour démontrer que celle-ci a bien « bossé » sa camionnette noire. Je me retrouve piteuse devant l’évidence ; ma porte a effleuré et laissé une marque blanche. Je ne m’en suis jamais rendu compte. En même temps, je trouve exagéré l’état des dommages. Pour moi, c’est juste du matériel. Je reste perplexe et ne sais pas quoi dire, ni quoi faire. Le « petit gros » monsieur « chauve » bougonne : « Elle est neuve, en plus. » Cela me rappelle ma propre aventure avec ma Nissan. À peine trois mois après en avoir pris possession, une conductrice avait glissé sur la glace et embouti mon derrière d’auto pour plus de 2 000 $ de dommages. J’évite d’en parler. Si je lui donne ma carte d’avocate pour mes coordonnées, si je lui dis : « ce n’est pas grave » ou encore : « voulez-vous réclamer à vos assurances ? », je risque de l’insulter.

Finalement, mon « agresseur », à mon soulagement, vocifère une parole inaudible et il retourne s’asseoir dans sa camionnette. Je m’empresse de monter dans mon auto et je dis à ma fille de faire de même. Mes quatre portes se barrent automatiquement, mais je m’assure que c’est le cas. Je boucle ma ceinture rapidement et je démarre. Je suis encore bouleversée et soulagée. Toutefois, en sortant du stationnement, je coupe la voie à un autre conducteur. Oh lala !  ça va mal. Anabelle me pose une tonne de questions sur l’incident. Elle a bien capté ma peur et me déclare avoir vu le monsieur derrière moi. Selon elle, il avait été mal à l’aise de m’avoir fait si peur. Je  me dis que j’aurais pu au moins m’excuser. Je me trouve vraiment « poche » et, en même temps, je me dis que ce « gros chauve » aurait pu se présenter par devant au lieu de « m’interpeller par-derrière ».  Quand je nous nomme comme cela, je nage dans les interprétations et les perceptions.

 

Le monde des perceptions

Notre cerveau interprète constamment les situations et quelquefois ses interprétations sont bien loin des faits réels. Chacun de nous avons des filtres culturels, neurologiques et personnels basés sur nos croyances et nos mémoires. Sous le coup de la peur, je suis devenue paralysée et inquiète d’une attaque. Ce n’était probablement pas l’intention de ce monsieur, déçu et fâché. Pour sa part, il a dû croire que j’étais une blonde étourdie, imprudente, incapable de conduire et surtout impolie. Je ne suis pas comme cela. D’ailleurs, s’il advenait qu’il lise cette chronique, je m’excuse profondément de cet incident.

 

Morale de cette histoire

J’ai appris que dans la gestion de nos relations, il faut être attentif à nos perceptions et essayer de voir les faits sans juger nos voisins, nos collègues de travail et les membres de notre famille. Je crois qu’ainsi nous pourrions éviter tellement d’irritants, de frustrations et une multitude de conflits.

Selon le grand philosophe indien Krishnamurti, « observer sans juger est la plus haute forme de l’intelligence humaine.»