Un jour mon fils de 20 ans m’écrit en panique : « Maman, il y a un rat dans mon appartement ». Il demeure dans un demi-sous-sol et il s’était plaint d’une infestation d’insectes. Par conséquent, je pense que c’est possible, mais je suis aussi sceptique. « Un rat, tu es bien sûr? » Pour preuve, il m’envoie la photo d’une souris. On finit par se parler au téléphone, et je lui explique la différence mais, surtout, que c’est important d’utiliser les bons mots pour décrire une situation.

 

Tellement crucial que Marshall B. Rosenberg en a fait un principe pour qui veut communiquer de manière non violente. Il a nommé cela « observer sans évaluer ». En fait, il s’agit d’être le plus objectif possible et concret dans ses descriptions, sans mêler des jugements à ce que nous percevons. Cela semble simple d’application, mais c’est oublier que notre cerveau mélange tout et qu’il est conditionné à porter des jugements. Voici des exemples :

  • Joannie est incompétente vs Joannie n’a pas fait les statistiques demandées
  • Mon cousin est alcoolique vs Mon cousin boit un verre de vin chaque repas
  • Tout le monde a entendu les cris de mon patron vs Deux secrétaires ont entendu…
  • J’ai pêché un énorme poisson vs J’ai pêché un poisson de deux kilos

 

Plusieurs raisons expliquent pourquoi nous nous comportons ainsi :

  • les émotions, qui nous empêchent d’être objectif;
  • les croyances et les préjugés;
  • la peur, l’anxiété, les phobies et le stress, qui suscitent une déformation de la réalité;
  • la sélection d’informations (pour confirmer sa vision du monde), la généralisation (toujours, jamais, souvent) et la distorsion (rat vs souris), des mécanismes naturels utilisés par le cerveau pour traiter l’information;
  • différents biais cognitifs ou raccourcis utilisés par notre cerveau pour traiter l’information;
  • notre histoire personnelle, nos souffrances et nos vulnérabilités, qui interfèrent dans notre vision du monde;
  • le désir de plaire, d’être aimé ou de se faire valoir, ce qui nous incite à exagérer la réalité.

 

Pour éviter les jugements et les exagérations, pour bien qualifier et parler de faits objectifs, on doit faire des efforts. Mais, alors, pourquoi combattre ce qui semble être des réflexes naturels? Pour les excellentes raisons suivantes :

  • se donner une base commune de discussion où personne ne se sent jugé;
  • susciter un climat de dialogue, d’ouverture et de bienveillance;
  • par souci d’authenticité, d’honnêteté et de crédibilité;
  • pour trouver les bons moyens et les bonnes solutions aux problèmes énoncés : un piège à souris n’a pas la même dimension qu’un piège à rats.

 

En tant que médiatrice, je travaille souvent avec les personnes en conflit pour rendre les choses plus objectives. Il est fréquent de constater qu’une description neutre et objective évite la naissance du conflit ou encore qu’elle l’atténue. Alors, oui, cela vaut la peine de faire des efforts, car la guerre est facile alors que la paix demande une réelle volonté d’échange et d’ouverture.