C’est peut-être le centième couple que je reçois en médiation, et on discute de la garde des enfants. Puis, à un certain moment, les mêmes mots se répètent. J’ai constaté souvent une forme de radotage lors des médiations. Et puis, il y a cet employé qui a accusé son supérieur de harcèlement psychologique qui souhaite faire de la médiation, mais qui vit trop de stress et de peur pour le rencontrer. Également, cette dispute entre deux collègues de travail qui me décrivent une altercation de manière très différente. Chacun se fie à sa mémoire, qui semble leur jouer bien des tours!

 

Voilà différentes situations dont j’ai été témoin des centaines de fois dans mon travail de médiatrice, et j’ajoute à cela le jeu des biais cognitifs. Simplement décrit, un biais cognitif est un raccourci emprunté par le cerveau pour analyser et passer à l’action. C’est rapide, mais cela manque de précision, et certains biais provoquent même la prise de mauvaises décisions. Il en existerait une centaine et, comme médiatrice, je dois composer avec ceux-ci.

 

J’ai aussi rencontré des gens qui ont le cerveau en « mauvais » état de fonctionnement pour toutes sortes de raisons : accident, prise de médicament, problème de santé mentale, abus d’alcool ou de drogues, maladie, déficit de l’attention, légère déficience ou autisme, stress post-traumatique, etc. Ces gens-là, un jour ou l’autre, vivent des conflits et ont recours à la médiation.

 

Et puis, vous savez quoi? J’ai l’impression que le cerveau de la très grande majorité des personnes n’aime pas du tout le conflit, qu’il n’est pas construit pour le gérer. Voici principalement ce qu’il aime, notre cher et merveilleux cerveau :

  • éviter la souffrance et les expériences négatives;
  • chercher, trouver et vivre le plaisir;
  • ressentir la paix et la sécurité pour la survie de son hôte;
  • vivre la routine , car le changement le dérange et lui demande des adaptations;
  • prendre des décisions rapides, surtout quand vient le temps de préserver la vie ou qu’il y a trop d’informations à analyser. Pauvre de lui, il n’a pas encore saisi que les dinosaures n’existent plus;
  • comprendre l’univers qui l’entoure et lui trouver un sens (logique, cohérence) pour bien se diriger.

 

Et le conflit dans tout cela provoque de la peur, du stress, une menace pour la survie, la prise de décisions raisonnables et logiques, de l’incohérence, des changements, etc. Sentez-vous qu’on nage à contre-courant?

 

Personnellement, j’en suis venue à la conclusion qu’il est essentiel pour un médiateur d’en comprendre un minimum sur le cerveau, parce qu’il y a là quelque chose d’universel à notre condition humaine. Ces connaissances lui permettront d’ajuster ses interventions et de déjouer – c’est peut-être un grand mot! – certains mécanismes. Par ailleurs, le médiateur curieux et sage aurait tout avantage à mettre lui-même en pratique les stratégies apprises, car n’est-il pas son propre cobaye?

 

L’univers de la neuroscience a suscité chez moi encore plus de bienveillance et d’empathie envers mon prochain. Et s’il y a une chose que j’ai apprise, c’est que la reconnaissance de l’autre l’apaise, car elle lui donne le sentiment de faire partie de ma tribu. Faire cela en toute authenticité, c’est donner de la sécurité et de la paix à la personne devant soi. Et son cerveau adore ça!

 

Surtout, ne me croyez pas sur parole, car je vous invite à apprendre et à expérimenter.