Peut-on mesurer la profondeur d’une entente obtenue en médiation?
Pas vraiment, mais les médiateurs expérimentés vous diront qu’ils ressentent bien la qualité des ententes obtenues et leurs possibilités d’exécution. Je vous propose d’examiner trois niveaux de profondeur avec des indicateurs que j’ai constatés dans ma pratique.
Entente de surface
Tout au long de la médiation, le climat aura été difficile et les parties tendues. Elles sont souvent sensibles aux moindres paroles ou gestes. Elles – ou l’une d’elles – ont de la difficulté à se tourner vers le futur en raison de leur sentiment de victimisation, de leur colère ou de leur deuil non complétés. Lorsque le médiateur réussit à se rendre à la rédaction de l’entente, il a l’impression de marcher sur des œufs. Et de fait, les parties s’attachent aux mots et non à l’esprit de l’entente. C’est parce qu’elles sont épuisées ou qu’elles ressentent une forte pression externe qu’elles la concluent. Cette entente demeure fragile et son exécution inquiétante, surtout si les parties doivent continuer à entretenir une relation interpersonnelle. En milieu de travail, l’organisation devra être attentive à la mise en œuvre des ententes afin d’éviter que les conflits reprennent.
Entente correcte
Au cours de cette médiation, les parties réussissent à bien communiquer avec l’aide du médiateur. Le climat passera de tendu à respectueux puisque les parties peuvent s’écouter. Les émotions sont maintenues sous contrôle et il n’y aura pas d’excès ou très peu. Les parties prennent leur part de responsabilité dans le conflit, car elles développent une vue d’ensemble de la problématique. Elles souhaitent se tourner vers le futur et aller de l’avant. Elles concluent l’entente parce qu’elles sont intimement persuadées que c’est la meilleure chose à faire. L’entente écrite pourra être analysée sereinement parce qu’on s’attache à l’esprit et qu’une confiance s’est installée ou encore qu’elle peut se reconstruire. Le médiateur éprouve le sentiment du devoir accompli.
Entente profonde
Tout peut se produire lors de cette médiation, mais, à un certain moment, l’une des parties devient émotive et est touchée par les émotions et les difficultés rencontrées par l’autre. Puis, à son tour, « l’autre » s’ouvre et il se produit une connexion sur l’humanité de chacun. On discute des faits et des intérêts des parties, mais plus encore, les besoins et les émotions sont nommés et vécus. Chacun prend sa part de responsabilité et désire trouver une entente « plus que mutuellement satisfaisante ». Les parties auront dépassé le stade de la colère et fait leur deuil. De l’expérience conflictuelle, elles ressortent enrichies. La médiation servira à amorcer l’étape du pardon ou encore à l’exprimer. Les parties peuvent même se serrer dans les bras et pleurer ensemble. L’entente écrite devient si peu importante! Le médiateur, ému par cette réconciliation, ressent de la joie et de la fierté vis-à-vis de cette médiation inoubliable.
Par Me Céline Vallières, LL.M., médiatrice accréditée
En collaboration avec Mme Linda Bérubé, t.s., médiatrice accréditée