Vivre en société, c’est communiquer, se relier à l’autre par la parole ou les gestes. Même silencieux, on communique. Se relier c’est aussi créer une relation dont la qualité varie en intensité à tout moment. Une des grandes difficultés consiste à utiliser les bons mots et un langage non verbal adéquat pour pratiquer une communication non-violente.

La semaine passée, j’ai eu une réunion avec des associés pour le partage des frais de bureau. Je nous revois, chacun essayant de comprendre la vision de l’autre, s’expliquer, demander des explications ou même refuser certaines options. Les questions financières génèrent des discussions délicates. Chacun a ses valeurs, son histoire personnelle et son rapport à l’argent. Nous sommes tous des médiateurs, cela nous aide à éviter les mots ou les phrases provoquant la fermeture. À tout le moins, nous arrêtons avant d’en arriver à une « certaine » violence.

 

La communication non-violente

Depuis 2008, je me forme selon la méthode de communication non violente (CNV) développée par Marshall B. Rosenberg. On la nomme également la communication consciente ou constructive orientée vers les solutions. En 1943, Marshall devint témoin d’une émeute raciale ayant fait une trentaine de victimes. Le petit garçon d’alors grandit aux États-Unis et il ne comprend pas. Deux questions le hantent.  Pourquoi certaines personnes en blessent d’autres à cause de leur nom, de leur religion ou de la couleur de leur peau ? Pourquoi des gens contribuant au bien-être d’autrui coexistent avec des gens dont le but semble de faire du mal aux autres ?

Ces questions primordiales l’ont amené : à compléter un doctorat en psychologie, à côtoyer Carl Rogers, à faire des études comparées sur les grandes religions, à étudier et observer des personnes admirables. Petit à petit, il développe sa vision et le premier centre de communication non violente (CNV) s’active en 1960. Aujourd’hui, il y a des centres et des formations en communication non-violente dans 65 pays. La communication non-violente existe depuis plus de 50 ans et elle se définit comme l’œuvre d’une vie.

 

Nos conditionnements millénaires

Qu’a découvert monsieur Rosenberg ? Notre façon de communiquer est souvent connotée de violence. Nous ne sommes pas méchants, bien au contraire, car la communication non-violente mise sur une nature humaine bienveillante et remplie de compassion. Nous sommes conditionnés à communiquer ainsi depuis des millénaires. Vous pensez : « mais je ne suis pas violent dans mes communications. » Je pensais la même chose. Puis j’ai constaté que nous sommes violents dès que nous jugeons l’autre, le conseillons ou le moralisons. C’est encore plus évident si on l’insulte ou le ridiculise. Il m’arrive de communiquer sans bienveillance avec mes enfants. Quand j’ordonne, m’impatiente, critique ou hausse-le ton, je fais preuve d’une « certaine » violence. J’aime mes enfants plus que tout au monde. Mais quelquefois, en raison du stress et de la fatigue, c’est plus difficile. La communication est un réel défi.

Comme lieu d’observation de ces petites et grandes violences, je vous suggère les relations de travail. Remarquez les effets du commérage des uns sur les autres, les critiques sur les gestionnaires, sur les nouvelles procédures, les questionnements à ne plus finir, le rejet des personnes ou des idées de manière assez directe, les refus de discuter ou de négocier, etc. La violence possède un large registre. Réussir à l’éviter, c’est déjà favoriser des liens de qualité, de l’ouverture et même de la bienveillance chez soi et chez l’autre.

 

La première-étape : la conscience de soi

En premier lieu, je vous suggère de prendre conscience de cette violence. D’en devenir l’observateur, c’est un premier pas nécessaire. On a tout le contrôle de ses réactions et on peut arrêter nos mots et gestes agressants. Se retirer dans son cocon, respirer et tenter de découvrir quel est le besoin ou la valeur insatisfaite. Quand je reconnais mon stress, je suis déjà plus en contrôle face aux enfants. Inutile de crier pour qu’ils ne manquent pas l’autobus scolaire.  Avec mes associés, j’apprécie la retenue de chacun d’eux. Peu importe ce qui arrivera, je sais que nous tenons tous aux liens respectueux et d’entraide. Nous avons l’intention de former une équipe. Découvrir son intention importe grandement. Cela fera l’objet d’une autre chronique.

Marschal B. Rosenberg, « Les mots sont des fenêtres ou des murs » Éditions de Jouvence