Après des démonstrations de jeu de rôles en médiation, les participants commentent les techniques que j’utilise et, immanquablement, l’un d’eux finit toujours par déclarer : « Céline, vous dites souvent merci aux personnes ». Chaque fois, j’en ris parce que c’est tellement intégré que, pour moi, ce n’est pas une technique, mais une attitude.

Puis, dernièrement, j’ai fait une médiation pour un conflit de type relationnel entre trois frères, et les uns et les autres se rappelaient souvent les bons moments de leur vie commune. Les beaux voyages comme les moments où chacun avait pu compter sur les autres pour traverser des épreuves. Les deux autres souriaient tout en acquiesçant, il y avait là une forme de gratitude que je renforçais par des reformulations.

La gratitude peut se traduire par une prise de conscience de ce que les circonstances ou les autres apportent, qu’il s’agisse d’un bien ou d’un service, et qui déclenche un sentiment affectueux envers le bienfaiteur. Éprouver de la gratitude, c’est une ouverture à la vie ou à l’autre, et non une centration sur soi et ses malheurs; cela rend heureux et reconnaissant. On peut compter sur d’autres avantages, comme l’émergence d’une vision plus positive, une meilleure résistance au stress, une plus grande indulgence et une réduction des sentiments de solitude et d’isolement. Bien sûr, la gratitude n’efface pas les injures et les malheurs mais, pendant quelques secondes, elle peut créer un climat bénéfique en médiation, car elle libère des ressources mentales et émotionnelles pour résoudre les problèmes, agir et être créatif. Et puis, qui sait ce qui peut en ressortir? Mais, voilà : comment la réveiller?

 

La gratitude du médiateur

C’est la plus facile à faire jaillir mais, attention, elle doit être sincère! Pour moi, le fait d’avoir la confiance des parties, d’entendre leurs confidences, de les voir exposer leur vulnérabilité et accepter mes propositions sur le processus sont toujours des cadeaux. Je ne tiens rien pour acquis, car je les accompagne humblement dans une démarche libre et volontaire qu’ils peuvent quitter en tout temps. Quand la médiation se termine à la satisfaction de tous, je suis tellement heureuse que mes merci jaillissent à profusion. Cela fait toujours sourire les parties, qui me renvoient la pareille. Si le médiateur le décide, il constatera qu’il y a plusieurs occasions de manifester sa gratitude, tant à l’écrit qu’à l’oral. Son attitude crée un climat et il devient un modèle. Je n’ai aucune statistique à vous donner, mais je crois sincèrement que cela a des retombées positives.

 

La gratitude des parties entre elles

C’est au cours de mes 17 ans de pratique en matière familiale que j’ai surtout appris à la cultiver comme une fleur précieuse. Parfois, cela consistait à faire réaliser au couple qu’il y a eu de belles années, qu’ensemble, ils ont bâti un beau patrimoine familial, que les enfants réussissent bien leurs études, qu’ils sont en santé, que tous les deux souhaitent que la séparation se passe bien pour eux et les enfants, etc. Les conjoints et parents peuvent avoir plusieurs occasions de se donner de la gratitude et, si ce n’est pas pour le passé, c’est au moins pour l’avenir, ne serait-ce que d’accepter de procéder en médiation.

Dans les autres domaines d’intervention, soit en matière civile et dans les relations de travail, j’affirme qu’il est aussi possible de trouver des éléments de gratitude. Encore une fois, ne serait-ce que le fait de vouloir engager un dialogue!

Cependant, ne vous attendez pas à ce que la gratitude vienne naturellement. Les parties ne vous rencontrent pas pour fêter dans un magnifique cadre champêtre. L’espace n’est pas propice à la gratitude. Il faut la cultiver dans un sol parfois aride, parfois fertile mais, dans tous les cas, la patience d’un jardinier patient et attentif donnera quelque chose. Et même si la fleur n’est pas aussi colorée que souhaité, cela vaut la peine d’expérimenter encore et encore.