Avez-vous une tribu? Faites-vous partie d’un regroupement d’individus composé de toutes les tranches d’âges, du bébé au vieillard? Vous n’avez pas à être liés par le sang : cette tribu pourrait être la population d’un village, par exemple. Le Petit Robert la définit comme un « groupe social et politique fondé sur une parenté ethnique, réelle ou supposée, chez les peuples à organisation primitive ». Plus loin, il y est écrit : « groupe nombreux, grande et nombreuse famille ».

 

Si vous avez une tribu, je vous envie, car ma tribu à moi est vraiment petite. Je n’en suis pas victime, néanmoins. Je suis le reflet de bien des familles nord-américaines. Au Québec, nous sommes passés des grandes familles de 12 enfants et plus à celle de 2 enfants et moins.

 

Nous vivons chacun chez soi et pour soi, avec sa carrière, des amis qui nous ressemblent et des enfants, si on en a! Nous sommes passés du groupe familial à l’individualité.

 

Et puis, il y a aussi cet éclatement territorial. Je n’ai pas de frère comme voisin, et des milliers de kilomètres me séparent de certains d’entre eux. Nous sommes seuls dans nos autos et dans nos logements. Les statistiques le démontrent, il n’y a jamais eu autant de solitude, de désespoir, de suicide, et de prise d’antidépresseurs.

 

Il y a des avantages à vivre en tribu : l’entraide, l’appartenance, la chaleur, l’amour, l’amitié et le partage. Il y a aussi cette préparation à vivre toutes les tranches d’âge. Je n’étais pas en contact avec les vieillards et, tout à coup, je les découvre grâce à ma mère.

 

Maminouche vit maintenant dans une résidence pour personnes atteintes d’Alzheimer. Quel choc pour moi de les découvrir si vulnérables et malades! Bien sûr, je regardais vieillir ma mère, mais voir autant de vieillards en même temps m’a fait peur. Je ne les fréquentais pas en raison de mon travail. Tout à coup, je trouve triste de vieillir. De plus, je ne pouvais être empathique avec leur réalité, car je ne la connaissais pas. J’étais touchée de loin, pas dans mes tripes. Maintenant, j’ai le choir de fuir ou d’accepter.  De découvrir et d’apprivoiser cette étape de la vie qui m’attend immanquablement.

 

Il me semble qu’avoir fait partie d’une grande tribu m’aurait préparée davantage à cette étape de la vie. Comme le petit couple qui désire un enfant, mais qui n’est pas au courant des sacrifices qu’exige élever un bébé.

 

Notre société est ainsi construite : les bébés dans les garderies, les enfants à l’école, les adultes au travail, les malades dans les hôpitaux et les vieillards dans les résidences. La plupart du temps, nous sommes coupés les uns des autres et pourtant, nous partageons tous la même humanité, nous sommes tous dans le même bateau. Vous me direz que j’exagère les avantages d’une tribu et qu’on ne peut revenir en arrière. Vous avez raison. Mais est-ce qu’on peut faire un effort pour se rapprocher de la réalité des uns et des autres, sans la juger? Est-ce qu’on peut apprécier autant le visage d’un bébé que celui d’un adolescent?

 

Je pense que oui, et cela peut passer par la simple observation et la connexion du cœur avec des personnes différentes de nous. Pour la prochaine année, je me promets bien de les regarder, ces aînés, et de leur parler. Je me promets d’amener mes enfants à leur rencontre. Pour plus de conscience, d’empathie et de bienveillance, vive le mélange des genres et des âges! Voilà une réelle richesse de la vie en société.